Mon camarade Bembelly se demande toujours si nègre est une insulte.
Et bien, la question est intéressante, sans rentrer dans le conflit, essayons donc d'y répondre assez simplement, dans la neutralité et surtout avec intelligence:
Retournons aux origines du mot : nègre.
Il est attesté comme qualificatif d'homme de" race noire" et aussi comme" synonyme d'esclave."
Clairement, les origines du mot ne sont guère reluisants, d'autant plus qu'on a emprunté au portugais : le terme, nègre, va en complément du terme, noir, qui lui, est bien français. On rajoute donc un mot dans le français de l'époque pour désigner, soit une autre race...soit un homme noir esclave...ça commence fort.
En tous les cas, il y a volonté dans l'usage de mettre à part de l'homme blanc, du Français de base, cet homme de couleur. Le terme nègre a donc un usage péjoratif qui se voit bien à l'origine, usage péjoratif dont certains se servent encore maintenant.
On retrouve cet usage dans les mots composés qui l'utilisent : parler petit nègre, c'est parler avec un très mauvais français, à la limite du charabia.
Les pâtisseries "têtes de nègres", d'où est tiré mon titre, sont devenues des "têtes de choco". C'est une mousseline très légère d’œufs en neige enrobé de chocolat, on mord dedans très facilement et c'est vraiment très léger, une allusion très subtile au fait qu'on croyait les "nègres" incapable d'intelligence à la mesure de l'homme blanc. D'ailleurs, on a abandonné la nomination, avec raison.
On retrouve aussi l'emploi de nègre dans des publicités assez horribles, quand on y repense, dans les années du bon colonialisme.
Rien de très folichon, donc.
Maintenant, examinons donc l'évolution du terme.
Césaire, Senghor, emploient ce terme dans la "négritude" afin de renverser le sens et de bien prouver justement la valeur de la culture des hommes de couleurs.
On se met à parler d'art nègre afin de qualifier une culture, en se targuant de progressisme, en fait, on parle d'arts des cultures dites primitives...tiens donc, il apparait que cela est quand même litigieux, surtout qu'on peut parler d'Art Africain sans avoir l'emploi de ce terme.
D'ailleurs, ceux dont on parle, ceux qu'on appelait nègres n'apprécient pas du tout l'emploi de ce terme.
En 2006, dans la série Seinfeld, un acteur s'énerve contre un spectateur et le traite de nègre, de nigga. La Ville de New York prend la mesure symbolique d'interdire le terme afin d'éviter le racisme.
Oui mais voilà, comme Senghor et d'autres l'ont employé, comme dans le rap américain on emploie le terme sans côté péjoratif, c'est même un terme familier, chargé de sens , un défi, ne voilà-t-y pas que certains se disent mais nous aussi on peut le dire, même si on ne l'est pas noir, négro, nigga, nigger...
Ben oui, si ils le disent...
Seulement, ce qu'on dit ne dépend pas de soi mais de qui le dit et comment on le dit, comment l'autre le perçoit.
Un gars ou une nana peut faire de l'humour, de l'autodérision, en se traitant de gros, de naine, de laideron, de nègre, même.
Mais dites-donc de but en blanc à quelqu'un qui se traite de gros qu'il l'est, avec un ton ironique, et bien, ça passe mal, parfois.
Dites à quelqu'un qui est petit que c'est un nain, il est sûr que vous risquez de le froisser.
Tiens, essayez de dire à Mimi Mathy, en la croisant dans la rue:" Eh, la naine!" Je ne suis pas sûre qu'elle n'aura pas l'impression d'être insultée.
Essayez d'aller voir un Africain de l'Ouest en lui disant:" Bonjour, oui, bonjour, le nègre, c'est à vous que je parle", et bien c'est pas comme si vous disiez :" Eh, bonjour, oui, Monsieur, au pantalon bleu, c'est à vous que je parle".
Tout est affaire de sensibilités, et vous pourriez me répondre qu'un Africain de l'Est ( je change d'endroit) , vous le trouvez bien susceptible, quand même. Faut pas faire l'enfant, me rétorquiez-vous.
Faut dire que lorsqu'on essaie de parler à certains, il y en a qui ne se sentent pas du tout concernés par des sujets comme l'esclavage et le colonialisme, à l'origine du terme nègre, de surcroit, sujets qui sont encore vifs, pourtant, dans notre histoire actuelle.
Faut oublier, disent certains. Encore faudrait-il qu'on en ait assez parlé pour qu'on puisse se permettre le luxe d'oublier...le sujet est encore bien tabou, comme d'ailleurs la Guerre d'Algérie, qu'il faudrait aussi oublier sans qu'on en ait assez parlé. Enfin, parler...
On ne peut pas avoir les rappels mémoriels sélectifs...ce serait trop facile.
Et vous avez aussi le justificatif: mais c'est pas que nous, hein, il y a les autres, heuuuu!!!
Facile de bien entendu pointer du doigt les autres, mais bon, c'est pas là-bas que vivent les Africains "de couleur", c'est ici. Facile de détourner l'attention, comme si le fait que l'autre puisse être aussi dégueulasse rend celui qui s'est comporté de la même manière plus blanc...humour...Tiens, on continue à dire qu'on est blanc comme neige afin de qualifier un comportement correct, voire même plus.
Tiens, c'est assez curieux, si vous aviez une couleur de peau très foncée, qui n'est d'ailleurs même pas noire, en plus, mais qu'on vous qualifie comme tel alors que: avoir des noires pensées, être noir quand on est bourré, etc...c'est franchement pas très sympa, comme expressions, vous aimeriez qu'on vous balance que nègre, c'est pas une insulte?
A méditer.
Liens:
Nouvel obs sur les termes et les sens du mot nègre
CNRTL définition et sens, étymologie et historique
Le nègre en littérature
Discussion sur l'Art "nègre"
Interdiction de New York sur le terme nègre.
Rappel:
Guerlain et son travail de" nègre."
des publicités racistes dans l'histoire
le billet de Bembelly
Et bien, la question est intéressante, sans rentrer dans le conflit, essayons donc d'y répondre assez simplement, dans la neutralité et surtout avec intelligence:
Retournons aux origines du mot : nègre.
Il est attesté comme qualificatif d'homme de" race noire" et aussi comme" synonyme d'esclave."
Clairement, les origines du mot ne sont guère reluisants, d'autant plus qu'on a emprunté au portugais : le terme, nègre, va en complément du terme, noir, qui lui, est bien français. On rajoute donc un mot dans le français de l'époque pour désigner, soit une autre race...soit un homme noir esclave...ça commence fort.
En tous les cas, il y a volonté dans l'usage de mettre à part de l'homme blanc, du Français de base, cet homme de couleur. Le terme nègre a donc un usage péjoratif qui se voit bien à l'origine, usage péjoratif dont certains se servent encore maintenant.
On retrouve cet usage dans les mots composés qui l'utilisent : parler petit nègre, c'est parler avec un très mauvais français, à la limite du charabia.
Les pâtisseries "têtes de nègres", d'où est tiré mon titre, sont devenues des "têtes de choco". C'est une mousseline très légère d’œufs en neige enrobé de chocolat, on mord dedans très facilement et c'est vraiment très léger, une allusion très subtile au fait qu'on croyait les "nègres" incapable d'intelligence à la mesure de l'homme blanc. D'ailleurs, on a abandonné la nomination, avec raison.
On retrouve aussi l'emploi de nègre dans des publicités assez horribles, quand on y repense, dans les années du bon colonialisme.
Rien de très folichon, donc.
Maintenant, examinons donc l'évolution du terme.
Césaire, Senghor, emploient ce terme dans la "négritude" afin de renverser le sens et de bien prouver justement la valeur de la culture des hommes de couleurs.
On se met à parler d'art nègre afin de qualifier une culture, en se targuant de progressisme, en fait, on parle d'arts des cultures dites primitives...tiens donc, il apparait que cela est quand même litigieux, surtout qu'on peut parler d'Art Africain sans avoir l'emploi de ce terme.
D'ailleurs, ceux dont on parle, ceux qu'on appelait nègres n'apprécient pas du tout l'emploi de ce terme.
En 2006, dans la série Seinfeld, un acteur s'énerve contre un spectateur et le traite de nègre, de nigga. La Ville de New York prend la mesure symbolique d'interdire le terme afin d'éviter le racisme.
Oui mais voilà, comme Senghor et d'autres l'ont employé, comme dans le rap américain on emploie le terme sans côté péjoratif, c'est même un terme familier, chargé de sens , un défi, ne voilà-t-y pas que certains se disent mais nous aussi on peut le dire, même si on ne l'est pas noir, négro, nigga, nigger...
Ben oui, si ils le disent...
Seulement, ce qu'on dit ne dépend pas de soi mais de qui le dit et comment on le dit, comment l'autre le perçoit.
Un gars ou une nana peut faire de l'humour, de l'autodérision, en se traitant de gros, de naine, de laideron, de nègre, même.
Mais dites-donc de but en blanc à quelqu'un qui se traite de gros qu'il l'est, avec un ton ironique, et bien, ça passe mal, parfois.
Dites à quelqu'un qui est petit que c'est un nain, il est sûr que vous risquez de le froisser.
Tiens, essayez de dire à Mimi Mathy, en la croisant dans la rue:" Eh, la naine!" Je ne suis pas sûre qu'elle n'aura pas l'impression d'être insultée.
Essayez d'aller voir un Africain de l'Ouest en lui disant:" Bonjour, oui, bonjour, le nègre, c'est à vous que je parle", et bien c'est pas comme si vous disiez :" Eh, bonjour, oui, Monsieur, au pantalon bleu, c'est à vous que je parle".
Tout est affaire de sensibilités, et vous pourriez me répondre qu'un Africain de l'Est ( je change d'endroit) , vous le trouvez bien susceptible, quand même. Faut pas faire l'enfant, me rétorquiez-vous.
Faut dire que lorsqu'on essaie de parler à certains, il y en a qui ne se sentent pas du tout concernés par des sujets comme l'esclavage et le colonialisme, à l'origine du terme nègre, de surcroit, sujets qui sont encore vifs, pourtant, dans notre histoire actuelle.
Faut oublier, disent certains. Encore faudrait-il qu'on en ait assez parlé pour qu'on puisse se permettre le luxe d'oublier...le sujet est encore bien tabou, comme d'ailleurs la Guerre d'Algérie, qu'il faudrait aussi oublier sans qu'on en ait assez parlé. Enfin, parler...
On ne peut pas avoir les rappels mémoriels sélectifs...ce serait trop facile.
Et vous avez aussi le justificatif: mais c'est pas que nous, hein, il y a les autres, heuuuu!!!
Facile de bien entendu pointer du doigt les autres, mais bon, c'est pas là-bas que vivent les Africains "de couleur", c'est ici. Facile de détourner l'attention, comme si le fait que l'autre puisse être aussi dégueulasse rend celui qui s'est comporté de la même manière plus blanc...humour...Tiens, on continue à dire qu'on est blanc comme neige afin de qualifier un comportement correct, voire même plus.
Tiens, c'est assez curieux, si vous aviez une couleur de peau très foncée, qui n'est d'ailleurs même pas noire, en plus, mais qu'on vous qualifie comme tel alors que: avoir des noires pensées, être noir quand on est bourré, etc...c'est franchement pas très sympa, comme expressions, vous aimeriez qu'on vous balance que nègre, c'est pas une insulte?
A méditer.
Liens:
Nouvel obs sur les termes et les sens du mot nègre
CNRTL définition et sens, étymologie et historique
Le nègre en littérature
Discussion sur l'Art "nègre"
Interdiction de New York sur le terme nègre.
Rappel:
Guerlain et son travail de" nègre."
des publicités racistes dans l'histoire
le billet de Bembelly